• Un ange de plus

    Un ange de plus

     

     

     

     

     

     

    La première fois que je l'ai vu, je me souviens avoir hésité entre fille ou garçon. Elle était plus grande que moi, une où deux tête, peut être, ses cheveux bruns étaient courts, elle était assez costaude, sans être grosse. Elle était vêtu de cet éternel gilet rose, et son regard chocolat était tellement scintillant que j'étais sûre qu'elle était gentille. Et c'était le cas.

    Tous les midis, nous nous rejoignons à la cantine pour partager un repas ensemble, puis, nous finîmes par nous retrouver aux récréations, ainsi qu'a l'arrêt de bus, puis dans ce dernier.

    Pendant trois ans, nous nous sommes côtoyés, nous avons tout partagé.

    Elle était tout ce qu'il me fallait. C'était la seule qui réussissait à me remonter le moral lorsque mes notes n'étaient pas au plus haut, où lorsque quelque chose me contrariait. La seule qui me faisait des cadeaux sans rien attendre au retour, la seule qui partageait ses goûters avec moi. Les plus fréquents étaient ces petits pains au lait qu'elle achetait le matin même, dans une petite boutique du coin.

    Elle avait souvent mal à la tête, et ne participait jamais à la boum du collège. Elle préférait le calme.

    La troisième année, j'eus le regret de m'être éloigné d'elle. Bien sûr, on se voyait toujours, surtout le midi, mais j'avais trouvé d'autres copines avec qui passer les récréations. Elle, elle restait plutôt avec les adultes, où seule, elle n'aimait pas l'agitation des adolescents qui courraient à travers la cour.

    Et le jour où elle partit, tout s'effondra pour moi. Nous étions en octobre 2011, et par deux fois tu n'avais pas été présente dans le bus, ni pour les repas, où même les cours.

    Jeudi après midi, à 15h30, après la récréation, nous avions vis de classe avec notre professeur principale. Madame S., qui enseignait l'anglais.

    Même pas cinq minutes avaient passé lorsque le directeur, Monsieur G., et la surveillante, V., pénétrèrent dans la pièce. Ils portaient tous deux une expression grave, et V. avait les yeux pleins de larmes.

    J'avais compris avant tout le monde, comme si c'était une évidence, et mon cœur avait semblé s'arrêter, se serrant incroyablement. J'ai croisé le regard de mon directeur, et ce fut l'élément déclencheur, mes yeux ont débordés, faisant ruisselé de fines gouttelettes d'eau salé sur mes joues. Le temps que l'homme se prononce – évoquant les nombreux dessins qu'elle leur offrait, son côté généreux, j'entendis même mon prénom être évoqué – pour enfin nommer son prénom, le monde sembla tanguer à mes pieds. Dans une autre situation, j'aurais vraiment eu honte de pleurer devant tout le monde, mais ce jour ci, j'en avais rien à foutre. En fait, ce n'était même pas pleurer, ce que je faisais, c'était sangloter. Vraiment. Je m'étouffais même à travers mes larmes, et je voyais le visage de mon amie maculé de larme. C'est vers nous que notre professeur se dirigea en premier – les autres étaient juste sous le choc – tandis que les annonceurs de la mauvaise nouvelle se dirigeaient vers d'autres classe.

    L'adulte tentait de nous rassurer avec des mots réconfortants, mais ce n'est pas cela qui allait la ramener. Je me rappelle avoir eu très chaud, et sortir prendre l'air, croisant des adolescents qui rigolaient dehors, profitant de la situation alors qu'il n'y avait pas cours. Comment pouvaient-ils s'amuser après une telle nouvelle ?

    Je ne pouvais m'arrêter de penser, me posant des milliers de questions, jusqu'à ce que je sois rentrée. Ma mère pleura aussi – mon amie lui avait offert des fleurs pour la fête des mères – touchée par son départ. Le soir même, j'écrivais une lettre à la mère de ma défunte meilleure amie.

    Ensuite, le reste de l'année fut difficile.

    Au début, mes notes restaient constantes. Mais plus le temps passait, plus je décourageais. Je dessinais en cours – pour elle – et mes notes chutaient misérablement. Son enterrement m'avait profondément marqué, et les images de celui-ci ne me quitteront jamais.

    Les cauchemars peuplèrent mes nuits, depuis ce temps là, j'ai vraiment la trouille de la mort. Pas seulement pour moi, aussi pour mes proches. Ça me prend les tripes, encore aujourd'hui, après un tel cauchemar je suis déstabilisée. Ils se sont espacés, bien sûr, mais ils reviennent toujours en traître, me surprenant, me laissant à court de souffle.

    Aujourd'hui encore, je suis marquée par cet événement. À l'âge de seize ans à peine, mon amie avait rejoins les anges, emportée par une tumeur au cerveau dont je n'avais même pas connaissance.

     

    Et les regrets ne m'ont jamais quitté.


  • Commentaires

    1
    Samedi 16 Juillet 2016 à 18:23

    Tellement triste, tu as très bien exprimé et faire ressentir les choses j'en ai les larmes aux yeux, mon dieu... tu n'a pas a regretter de t'être éloigner ou je ne sais quoi... Courage ma belle, pour continuer combattre les "monstres du passé" qui hante notre présent.

      • Samedi 16 Juillet 2016 à 19:26

        Merci ma chérie ! Eh oui malgré les 5 ans 1/2 je n'ai toujours pas vraiment fais mon deuil. En fait, ça ne se fait jamais complètement,  et je ne peux accepter de l'avoir perdue si soudainement. Ça me fait du bien de me confier sur mon blog, de recevoir des avis, du soutient. Tu as raison, merci pour ton joli commentaire, et désolée pour avoir faillit te faire pleurer.

    2
    Samedi 16 Juillet 2016 à 21:26

    Ton texte était tellement bouleversant que j'en ai perdu mes mots. Je ne sais pas quoi te dire, quoi répondre à ce texte  plein d'émotions, de souvenirs que tu partages avec nous. J'ai l'impression que rien n'irait. Que tout clocherait, détonnerait après ça. Je suis désolée...

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