• Une journée en Pédiatrie

    Avant que vous lisiez ce texte, j'aimerais préciser qu'il est inspiré de faits réels. Cependant, pour éviter toute ressemblance, ces faits ont été mélangés et modifiés de façon a respecter le secret professionnel auquel je suis soumise.

                                                                                                   

    6h35.

    A cette heure, je présente mon badge au détecteur qui débloque les portes, et pénètre dans le service sécurisé de la pédiatrie. S'il y a une chose que je pense tous les matins, c'est que ces portes sont vraiment lourdes, et c'est peut être pour cette raison que ce service me semble rassurant.

    Les couloirs sont sombres, toutes lumières éteintes pour éviter de perturber le sommeil des enfants hospitalisés, et le seul bruit qui perturbe le silence à cet instant est le grincement de mes chaussures sur le sol fraîchement lavé.

    Direction la salle de pause, où je rencontre l'équipe du jour qui rit discrètement en se racontant tout un tas de nouvelles. En tant que stagiaire, je n'ai pas vraiment à prendre la parole. A part pour dire bonjour.

    Je dépose mon sac, et prends la direction de la salle de soins, ou les transmissions des filles de nuit vont être effectuées.

    Lors de ces transmissions, j'apprends tout un tas de truc que j'ignorais avant. Des maladies. Des traitements. Des réactions de patients ou d'entourage. Des réussites. Des échecs.

    Mais je prends aussi en note des choses banales comme l'alimentation des enfants, la présence d'une mère ou d'un père (ou leur absence), leurs habitudes de vie.

    Et je réfléchis à toutes ces petites choses qui pourraient permettre d'améliorer leur séjour ici.

    Ma journée commence donc par une prise d'information, et se suit par un temps mort pendant lequel on attend que les enfants se réveillent doucement. Parce qu'on ne réveille pas des enfants, jusqu'à une certaine heure.

    Mais quand ils ouvrent les yeux, le travail se met à pleuvoir.

    Surveillance du rythme cardiaque, respiratoire, absence des signes de lutte, évaluation de la douleur, prise de tension, température corporelle, surveillance des urines, des selles, surveillance de la prise du traitement et de l'alimentation. Et bien sûr, rassurer les parents autant que les enfants. Parce que les parents ont tendance à se poser trop de questions, et à imaginer le pire.

    Et toujours garder le sourire. Quoi qu'il arrive.

    Ce jour là, on commence par prendre en charge une enfant en soins palliatif. Phase terminale d'un cancer. Il n'a plus de cheveux, et son visage a été rendu rond par les corticoïdes. Il a perdu une grande partie de sa mémoire, et semble avoir oublier la raison de sa présence, et ça me rassure, parce qu'au moins il a le sourire. On est à quatre pour lui faire sa toilette, ça l'aide à se détendre, parce qu'il a toujours peur qu'on le fasse tomber.

    - Tu es bien installé Roby ?

    - Oui mais je voudrais quelque chose.

    - Qu'est ce qui te ferait plaisir ?

    - Un massage des testicules.

    Tout le monde rigole, même moi au début, mais je m'arrête net lorsque je me rends compte que Roby ne semble pas comprendre pourquoi on rit, et que son air sérieux ne disparaît pas.

    - Tu nous fais beaucoup de blague, en ce moment ! ajoute l'infirmière.

    Et même cette phrase ne l'aide pas à comprendre. Ce constat me rend terriblement triste. Je ne ressens pas de pitié, juste une profonde tristesse envers ce jeune garçon, et une grande colère aussi. Envers l'injustice de sa maladie.

    Le temps que l'on fasse le tour de notre partie du service, c'est à dire la surveillance de huit enfants environ, il est déjà neuf heure trente. Et à cette heure là, il est temps de prendre notre petit déjeuner. Parce que pour travailler en service hospitalier, il faut se lever tellement tôt que prendre le petit déjeuner est trop compliqué.

    Alors quand le calme règne, on en profite pour manger un morceau. Mais quoi que vous pensiez, ce n'est pas vraiment une pause, puisque les sonnettes ne cessent de retentir, et personnellement je fais tout pour répondre aux besoins de ces enfants le plus rapidement possible.

    - Je ne me sens pas bien.

    Ella, sept ans, se trouve seule dans sa chambre. Son visage est pâle, et ses cheveux semblent trempés de sueur. Sans hésiter, je saisis le tensiomètre, ainsi que le thermomètre qui traîne dans le couloir. Sa tension est normale, mais le cadrant du thermomètre m'inquiète tout de suite.

    41.5°C.

    Calmement, je change d'oreille et reprends sa température.

    41.6 °C.

    En sachant que cette petite fille a eu un Doliprane à huit heures ce matin, je sais que je ne peux rien faire pour la soulager dans l'immédiat. Alors je retire le drap qui la couvre, et la déshabille de façon à la laisser en culotte.

    - Mais j'ai froid !

    - Écoute ma belle, tu as froid parce que tu as beaucoup de fièvre. Et plus tu te couvriras, plus tu auras froid.

    La connaissant, je sais qu'elle se recouvrira dès que j'aurais le dos tourné si je lui laisse tout à disposition. Alors je défais le drap et le positionne dans le placard, hors de sa portée, puisque ses électrodes sont branchés et qu'elle ne peut les débrancher seule.

    Je vais ensuite signaler sa température et noter mes soins dans le logiciel des transmissions.

    En fin de matinée, deux personnes de la brigade des mineurs et des pompiers arrivent avec une nouvelle entrée. Un enfant de dix-huit mois, seul, sans accompagnant.

    J'apprends que ce petit bout a été trouvé seul chez lui, en pleurs, et ça me fend tout de suite le cœur. La brigade des mineurs nous apprend qu'il sera placé en famille d'accueil le jour même, après avoir reçu nos soins.

    Il est déshydraté, et nous ne connaissons pas son prénom. Il ne parle pas, émet juste des sons et sourit constamment. Nous l'examinons attentivement, et son motif d'hospitalisation devient "suspicion de maltraitance".

    Et lorsque je m'apprête à le laisser seul dans sa chambre, avec la télévision, il pleure et descend du lit pour me suivre. Il ne supporte visiblement plus la solitude, alors je l'emmène avec moi, et nous traversons les couloirs ensemble avec quelques jouets.

    Heureusement, les clowns de l’hôpital arrivent peu de temps après, et embarque le petit homme dans leur sillage en riant aux éclats. Ces fameux clowns ont d'ailleurs embelli mon stage !

    Distribution des repas, reprise de température, surveillance du rythme cardiaque, respiratoire, signes de lutte... Vous l'aurez compris, les soins se répètent inlassablement, et demandent une adaptation des traitements, de la prise en charge et des interventions de façon très régulière.

    A 13h30, je me rends compte qu'il me reste une vingtaines de minutes pour manger, alors je rejoins l'équipe pour prendre mon repas, tout en répondant aux sonnettes.

    Après cela, l'équipe de l'après midi arrive et je termine enfin ma journée par un changement de tenue. Et une fois rentrée à la maison, la première chose que je fais est de prendre une douche.

    Cette journée, je l'ai passé à parcourir les couloirs du service, et à m'adapter au mieux à toutes les familles, dont la majorité ne parle pas le français.


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