• Me voici de retour après, je vous l'accorde, un long moment sans articles. Pardonnez moi pour le silence ! J'espère que ce petit texte vous plaira !

                                                                                                                                             

    Elle était là. Encore.

    Malgré le vent qui soufflait de toute ses forces, et la pluie qui battait le sol avec entrain, elle persistait à attendre sur le quai de cette gare. Ses joues étaient rougies par le froid, et pourtant, son corps ne tremblait pas. Son regard était déterminé, même si au fond, tout en elle était chamboulé. Elle avait toujours ce mince espoir, celui de le revoir, et pourtant, elle savait bien que les chances étaient minimes. Voir inexistantes.

    Si personne ne l'incitait à rentrer en ce jour au temps capricieux, ce fut tout simplement parce que chaque habitué avait déjà tenté sa chance. Et que rien ne l'avait convaincu d'attendre au chaud, au sein même de la gare. Ces personnes ne pouvaient à présent que l'observer.

    Chaque dimanche, elle se rendait sur ce même banc, celui qui se trouvait à l'extrémité du quai, et ne bougeait pas avant l'arrivée du train. Pourtant, personne n'ignorait qu'elle ne monterait pas dedans.

    Elle l'attendait pour une raison bien plus importante que le voyage même.

    Elle l'attendait dans l'espoir de revoir cette personne qui lui était chère. Lorsqu'elle avait raconté son histoire, chacun avait versé une petite larme.

    Ce train, si convoité de certaines femmes admiratrices, ramenait les soldats revenus du front. Du moins, ce qu'il en restait. Parce que ces sauveurs ne revenaient jamais sans séquelles. La jeune fille le savait bien, pour avoir vu celui qu'elle attendait revenir avec des yeux éteins. Vide de cette étincelle qui faisait de lui un être heureux.

    Tant de fois, elle avait su recoller les morceaux de son âme déchirée, mais elle n'avait jamais pu effacer cette souffrance qui logeait dans son cœur. Il n'avait jamais voulu lui raconter ce qu'il voyait, ni même ce qu'il faisait, là bas. Mais elle n'avait jamais eu besoin de l'entendre pour savoir ce qu'il vivait. C'était si évident.

    Ces soldats, ce que l'on acclamait tant à leur retour, ceux que l'on fêtait avec tant de joie, ne faisait autre chose que de tuer pour défendre telle ou telle cause. Pour défendre telle ou telle bêtise humaine.

    Avec lui, elle avait pleuré les vies qu'il avait arraché. Les vies de ces autres hommes morts sur le front, à qui l'on enlevait le droit de vivre, et qui avaient sûrement une femme et peut être même des enfants qui attendaient tant leur retour.

    La dernière fois qu'elle lui avait dit au revoir, elle n'avait pas pu l'aider à se pardonner. L'aider à accepter ses meurtres. Elle l'avait regardé partir, la boule au ventre, sans rien pouvoir faire. Sans même arriver à le retenir.

    Depuis, elle ne l'avait plus revu.

    On lui avait dit qu'un soir, alors que le combat faisait rage, il avait déposé son arme sur le sol de la tranchée. On lui avait raconté qu'il l'avait abandonné là, et qu'il était sorti de la sécurité. Et alors qu'on ordonnait le repli des combattants de son camps, il s'était avancé sur le front, les bras étendus de part et d'autres de son corps. Il était parti si loin que ceux qui criaient son nom, qui le suppliaient de revenir, n'avait plus aperçu sa silhouette à travers la fumée que provoquait le combat. Mais ils avaient entendu une énième explosion, et ne l'avaient plus revu.

    On lui avait dit qu'il était sûrement mort, ce soir là. Mais sans corps, sans avoir une seule preuve, ils n'avaient pas pu le prouver. C'est pour cela que la jeune femme se permettait encore d'y croire.

    Cette fois encore, lorsque le train apparut à la gare, et qu'il s'ébroua pour prendre l'arrêt, elle se permit de rêver. Lorsque les soldats en sortirent, d'un pas joyeux mais retenu, elle se permit d'étudier chaque personne présente, avec un regard plein d'espoir. Et alors que le quai se vidait peu à peu, la lueur qui habitait ses yeux ne flancha pas.

    Et elle garda sa place pendant un long moment. Elle ne bougea pas avant que le quai ne soit complètement vide. Et elle regarda même le train repartir.

    Elle serait encore là dimanche, comme elle l'avait été tous les dimanches précédents depuis deux ans. Et en deux ans, elle gardait toujours espoir que son frère rentre sain et sauf.

    Et elle resterait confiante encore longtemps, jusqu'à ce que les commandants aient trouvé un corps.

    Car sans preuve, il restait vivant.

    Sans preuve, rien n'était perdu.

    L'espoir infaillible

    Sasha.

     

     


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  • Pour la première fois cette année, je poussai la porte de cette maison en un grincement peu accueillant. Je n'avais besoin d'aucune invitation, d'après la seule habitante des lieux, mais cela me gênait tout de même un peu.

    Le silence m'accueillit, et trois de mes pas raisonnèrent sur le parquet vernis de l'entrée. De là, je pus distinguer le salon et ses fauteuils moelleux, sa tapisserie couleur crème ainsi que son lustre de verre, mais aussi la cuisine aux meubles faits de chêne, d'où me parvenait une légère odeur de café. Dans cette dernière se trouvait l'aîné des frères de la famille, le journal dans une main, la boisson dans l'autre, il me regardait étrangement, me détaillant des yeux, avant qu'une étincelle ne passe dans son regard. Il m'avait reconnu.

    Je lui adressais un signe de tête en guise de bonjour, et sa réponse fut un bref signe vers l'étage. Aucun mot ne fut échangé, nous n'avions pas besoin de cela.

    C'est donc calmement que je gravis les escaliers, mon cœur se serra inévitablement, et ma nervosité me fit hésiter. L'étage n'était fait que de bois, et le couloir dans lequel je m'engageai contenait quelques pots de fleurs aux multiples couleurs. Mais je n'y fis pas vraiment attention. La seule chose qui attirait mon regard était cette porte entrouverte. La peur serra mes entrailles alors que je m'approchai de cette dernière, si souvent franchie. Un douce voix me parvint.

    - ... mon chéri. Tu sais ce que voudrait maman pour son anniversaire ?

    Aucune réponse ne suivit la question, et cela ne m'étonna pas. Aucun bruit ne retentit. Et lorsque mon regard passa dans l'embrasure de la porte, je pus apercevoir cette silhouette si connue assise sur le rebord de la fenêtre. A ses côtés se tenait une femme, sa mère, qui tentait en vain de le faire parler. Il n'avait plus dis un mot depuis trois ans. Et c'est à peine si son corps lui obéissait encore.

    - Juste un sourire.

    C'était ainsi depuis l'assassinat de son père, qu'il avait lui même découvert. Il s'était enfermé dans une sorte de mutisme et ne quittait plus sa chambre, même pas pour la salle de bain. Beaucoup soupçonnaient qu'il avait vu le massacre, mais personne n'avait pu lui en arracher un mot. Personne. Pas même moi.

    Depuis ce jour là, c'était comme s'il n'était plus là. Comme si son corps n'était plus habité par lui.

    - S'il te plaît, réfléchis y.

    Un bruissement de tissus me parvint, et je pus voir l'adulte se redresser, le regarder une dernière fois, avant de se diriger vers la porte. Je m'éloignai d'un pas, pour ne pas lui faire peur. C'est pourtant ce qu'il se passa. Après avoir fermé la porte, lorsqu'elle se retourna, elle sursauta.

    - Raphaël ! Je ne t'avais pas entendu.

    Un sourire, puis des larmes envahirent ses yeux.

    - Je ne sais plus quoi faire.

    Sa voix était si faible, si fragile, que j'eus un pincement au cœur. Son visage s'était amaigrit depuis la dernière fois, tout comme son corps qui semblait flotter dans ses vêtements trop larges. Sa chevelure autrefois si soyante avait perdu tous ses reflets, et ses eux ne reflétaient que son désespoir.

    Sa main effleura mon bras, avant qu'elle ne s'éloigne, descendant les escaliers, me laissant là, devant cette porte si redoutée.

    Quelques secondes s'écoulèrent sans que je ne fasse un geste, puis, lentement, comme craintivement, j'ouvris la porte.

    Le cliquetis ne le fit même pas réagir, et mes bruits de pas non plus. Je pris soin de refermer l'ouverture pour plus d'intimité, avant de m'approcher.

    Sa chambre était encore intact, comme figée dans le temps, et pourtant, le manque de poussière prouvait que quelqu'un y faisait régulièrement le ménage. Quelques posters de Dean Carter tapissaient les murs, le ballon ovale à la main. Le lit était fait au carré, et semblait ne plus avoir été touché depuis longtemps, le sol était dépourvu de vêtement, et le bureau était tellement bien rangé qu'il était difficile de savoir qu'il habitait là.

    Oui, tous ces petits détails me rendaient mal à l'aise, parce que je savais pertinemment qu'il n'était pas si ordonné que cela.

    Hésitant, je m'approchai de l'adolescent qui ne quittait pas la fenêtre du regard. Il était si chétif que je pouvais facilement deviner ses os sous son pyjama bleu ciel, ses cheveux retombaient sans grâce sur son front, mais aussi dans son cou, et je m'étonnai de ne pas voir l'ombre d'une barbe.

    Doucement, presque prudemment, je pris place à ses côtés.

    - Salut, Gaby.

    Un battement de cil me répondit.

    - J'espère que tu te souviens de moi. Quoi qu'il en soit, je ne t'ai jamais oublié.

    Aucune réaction. Le découragement était déjà là, comme lors de mes trois dernières visites. Un soupir faillit m'échapper. Avec précaution, je dirigeai ma main vers son visage, effleurant sa joue, puis, saisissant délicatement son menton, pour l'obliger à me faire face.

    Son regard rencontra le mien. Perdu. Craintif.

    - C'est moi. C'est Rafaël.

    Nouveau battement de cil, mais toujours aucun signe de reconnaissance.

    - S'il te plaît, fais un effort.

    Rien ne sembla se passer alors que je plongeai dans son regard caramel, me perdant dans cette couleur si fascinante, mais si vide de toute étincelle. Aucune lueur ne se trouvait là, juste le trouble.

    Mes mains retombèrent sur mes cuisses. Il n'y avait plus rien à faire. Nous l'avions déjà perdu.

    Constater cela ne me fit pas de bien, vraiment pas, et je me levais pour cacher ces larmes qui coulaient sur mes joues. J'avais perdu. Je l'avais perdu.

    En quelques pas, je fus à la porte, prêt à l'ouvrir en une seconde seulement, mais au fond de moi, j'avais besoin d'autre chose. Besoin d'une seule et dernière chose.

    Besoin de lui dire au revoir.

    Je rebroussai chemin, et revins vers celui qui hantait mes pensées depuis tant de temps.

    Gabriel, le corps appuyé contre le mur, n'avait pas bougé, observant le vide et laissant le temps s'écouler sans en avoir conscience. Il n'était plus le même. Gabriel n'était plus lui même.

    Brusquement, je saisis son menton avant de me pencher vers lui, posant mes lèvres sur les siennes pour la première fois depuis longtemps, bien que cette fois là serait la dernière. Un baiser d'adieu. Les larmes coulèrent malgré moi, se mêlant à ce baiser et apportant un goût salé à celui là, comme pour me rappeler tous mes regrets. Je laissais tout mon amour se transmettre à Gaby, tous mes sentiments si tendres mais si douloureux, espérant l'atteindre, néanmoins, il n'y répondit jamais.

    Lentement, je m'éloignai. Son regard était toujours si vide, et son corps toujours si inerte. Mais sur sa joue coulait une de mes larmes, qui avait glissé là.

    Quitter la pièce sembla déchirer mon cœur, et c'est avec beaucoup de mal que je refermais la porte. Que je descendais les escaliers. Que je me retrouvais devant cette famille si désespérée.

    Je savais que mes yeux devaient être rougis de larmes, mais à cet instant là, rien ne comptais.

    - Je suis désolé.

    Je ne sais pas à quel instant ma voix s'était brisée. Je ne sais pas non plus comment je réussis à éviter la chaleur des bras de cette femme si douce, ni comment je me suis retrouvé dehors, à errer dans cette rue pleine de souvenirs.

    Tout ce que je sais, c'est que je me suis mis à accéléré ma marche en entendant des bruits de pas. Quelqu'un courrait derrière moi. Cependant, je n'avais aucune envie de me retourner, ni de me retrouver face à face avec n'importe qui d'autre que le vide. Enfin, c'est ce que je croyais.

    Les bruits de pas s'approchaient de plus en plus, j'étais si morose que je n'eus même pas la force de fuir avec plus de dynamisme.

    Mais je fus vraiment surpris lorsque des bras entourèrent mon corps, et qu'un autre corps se blottit dans mon dos. Vraiment surpris lorsque je vis ces mains, si douces, si fines, se joindre sur mon torse. SES mains.

    Car c'était bien lui.

    L'homme que j'avais tant aimé.

     

    Qu'en pensez vous ? J'ai l'impression qu'il manque quelque chose...

    Sasha.


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  • Dissimulée sous le feuillage d'un saule pleureur, il ne semblait pas prêter attention à la pluie qui ruisselait sur son corps trop mince, trempant ses vêtements trop larges, et ses cheveux trop longs, trop indisciplinés. Il ne se souciait même pas de l'orage qui raisonnait tout près, même s'il savait pertinemment qu'il était dangereux de rester sous un arbre par un temps pareil.

    Son regard semblait vide de toute émotion, déserté de toute lumière, et pourtant les sentiments semblaient encrés dans chacun de ses gestes.

    Le jeune homme gardait les yeux rivés devant lui, fixant les petites feuilles émergeant des branches tombantes sans vraiment les voir, alors qu'il avait l'habitude d'étudier leur vert pâle.

    Ses pensées divaguaient alors qu'il se sentait las, tellement las de sa petite vie pas assez tranquille.

    Il repensait à cette semaine de collège épouvantable, aux moqueries, aux railleries qui ne le

    laissaient maintenant plus ignorant.

    Il en avait assez que l'on se moque de son apparence, de son physique, de son orientation sexuelle, mais il était suffisamment intelligent pour savoir qu'il ne pouvait pas changer.

    Il ne pouvait pas couper ses cheveux mi-longs, se muscler, devenir plus costaud, adopter des vêtements à la mode et draguer des filles juste pour les satisfaire.

    Il ne pouvait pas.

    Parce que ça ne lui convenait pas.

    Parce que ça le rendrait malheureux.

    Et de toute façon, il n'avais pas besoin de ça.

    Il pouvait très bien se débrouiller sans l'avis de tous ces gens qui l'entouraient.

    Mais ce qui faisait le plus mal, ce qui le rendait si souffrant, c'était le rejet. Le rejet de ces amis, le rejet de quelques professeurs, mais surtout, le rejet de ses parents.

    Car indubitablement, ils avaient dû l'apprendre. Pas de sa bouche malheureusement, mais des élèves mêmes de son école, qui l'avaient insulté de pédé, d'anormal, de monstre et tout ce qui s'en suit.

    Il était différent, mais il le souhaitait vraiment. Parce que d'après lui, la similitude était ennuyeuse. Ce n'était pas amusant de ressembler à tout le monde, de vivre sur des lignes déjà tracées, de suivre les directives. Il ne voulait pas être victime de préjugés, mais il ne voulait pas non plus décevoir. Malheureusement, c'était mal parti.

    Seule sa sœur restait inexpressive à ce sujet, neutre, elle l'aimait toujours, mais n'en parlait pas pour autant.

    Pourtant, il avait besoin de parler.

    Mais à qui ? Comment savoir si cela intéressait quelqu'un ?

    Il ne savait pas. Il ne savait plus.

    Il n'avait plus envie de réfléchir la dessus, de toute façon.

    Fermant les yeux, il laissa ses oreilles prendre le dessus sur ses autres sens, calmant sa respiration pour ne pas se mettre inutilement à pleurer.

    Un bruissement de feuille retentit, quelques pas étouffés lui communiquèrent la présence rapprochée de quelqu'un, mais il n'avait pas envie de faire le moindre mouvement.

    « Tu comptes rester là toute la journée, où tu vas aller à l'école ? »

    La voix masculine le fit sursauter, lui faisant ouvrir les yeux. Devant lui se tenait un adolescent plus âgé, plus mur, à l'expression calme et à l'accent doux.

    Les yeux du plus jeune scrutaient l'autre, observant sa posture décontractée, son tee-shirt blanc imprégné d'eau, son jean trop long aux extrémités recouvertes de boue, et ses grosses baskets pleines de terre.

    « Johan. Que fais tu là ?

    - Ça ne se voit pas ? Je viens te chercher, répondit le nommé. Parce qu'entre gay, on peut s'aider, Nathan »

    Une main fut tendue à Nathan, et, les yeux de nouveau pétillants, il la saisit.

     

    Une différence ne doit pas faire qu'on les rejette,

    Partagez vos opinions

    Sasha.


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