• Différence

    Dissimulée sous le feuillage d'un saule pleureur, il ne semblait pas prêter attention à la pluie qui ruisselait sur son corps trop mince, trempant ses vêtements trop larges, et ses cheveux trop longs, trop indisciplinés. Il ne se souciait même pas de l'orage qui raisonnait tout près, même s'il savait pertinemment qu'il était dangereux de rester sous un arbre par un temps pareil.

    Son regard semblait vide de toute émotion, déserté de toute lumière, et pourtant les sentiments semblaient encrés dans chacun de ses gestes.

    Le jeune homme gardait les yeux rivés devant lui, fixant les petites feuilles émergeant des branches tombantes sans vraiment les voir, alors qu'il avait l'habitude d'étudier leur vert pâle.

    Ses pensées divaguaient alors qu'il se sentait las, tellement las de sa petite vie pas assez tranquille.

    Il repensait à cette semaine de collège épouvantable, aux moqueries, aux railleries qui ne le

    laissaient maintenant plus ignorant.

    Il en avait assez que l'on se moque de son apparence, de son physique, de son orientation sexuelle, mais il était suffisamment intelligent pour savoir qu'il ne pouvait pas changer.

    Il ne pouvait pas couper ses cheveux mi-longs, se muscler, devenir plus costaud, adopter des vêtements à la mode et draguer des filles juste pour les satisfaire.

    Il ne pouvait pas.

    Parce que ça ne lui convenait pas.

    Parce que ça le rendrait malheureux.

    Et de toute façon, il n'avais pas besoin de ça.

    Il pouvait très bien se débrouiller sans l'avis de tous ces gens qui l'entouraient.

    Mais ce qui faisait le plus mal, ce qui le rendait si souffrant, c'était le rejet. Le rejet de ces amis, le rejet de quelques professeurs, mais surtout, le rejet de ses parents.

    Car indubitablement, ils avaient dû l'apprendre. Pas de sa bouche malheureusement, mais des élèves mêmes de son école, qui l'avaient insulté de pédé, d'anormal, de monstre et tout ce qui s'en suit.

    Il était différent, mais il le souhaitait vraiment. Parce que d'après lui, la similitude était ennuyeuse. Ce n'était pas amusant de ressembler à tout le monde, de vivre sur des lignes déjà tracées, de suivre les directives. Il ne voulait pas être victime de préjugés, mais il ne voulait pas non plus décevoir. Malheureusement, c'était mal parti.

    Seule sa sœur restait inexpressive à ce sujet, neutre, elle l'aimait toujours, mais n'en parlait pas pour autant.

    Pourtant, il avait besoin de parler.

    Mais à qui ? Comment savoir si cela intéressait quelqu'un ?

    Il ne savait pas. Il ne savait plus.

    Il n'avait plus envie de réfléchir la dessus, de toute façon.

    Fermant les yeux, il laissa ses oreilles prendre le dessus sur ses autres sens, calmant sa respiration pour ne pas se mettre inutilement à pleurer.

    Un bruissement de feuille retentit, quelques pas étouffés lui communiquèrent la présence rapprochée de quelqu'un, mais il n'avait pas envie de faire le moindre mouvement.

    « Tu comptes rester là toute la journée, où tu vas aller à l'école ? »

    La voix masculine le fit sursauter, lui faisant ouvrir les yeux. Devant lui se tenait un adolescent plus âgé, plus mur, à l'expression calme et à l'accent doux.

    Les yeux du plus jeune scrutaient l'autre, observant sa posture décontractée, son tee-shirt blanc imprégné d'eau, son jean trop long aux extrémités recouvertes de boue, et ses grosses baskets pleines de terre.

    « Johan. Que fais tu là ?

    - Ça ne se voit pas ? Je viens te chercher, répondit le nommé. Parce qu'entre gay, on peut s'aider, Nathan »

    Une main fut tendue à Nathan, et, les yeux de nouveau pétillants, il la saisit.

     

    Une différence ne doit pas faire qu'on les rejette,

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    Sasha.


  • Commentaires

    1
    Mardi 30 Août 2016 à 16:07

    La répétition du "trop" associée avec le "pas assez tranquille" nous fait éprouver la vie. Cela appuie sur les mots, c'est bien tourné. Je ne sais pas trop comment dire mais grâce à ça, on sent qu'il est lassé, que quelque chose ne va pas et quand on continue de lire on le comprend.

    Bon sang, un sujet encore trop présent... On ne devrait même pas avoir à en parler car ça ne devrait même pas exister ce genre de persécutions, de discrimination pour quelque chose d'aussi personnel ! Après, on ose dire qu'on est libre !! ... C'est affreux, mais ton texte est beau. Paradoxe intéressant !!!

    J'aurais aimé commenter plus tôt pour t'offrir un commentaire mieux construit, et plus vif dans les sentiments. Mais je n'ai pas pu à cause de la panne d'internet qui est arrivée l'après-midi d'hier et la moitié de la journée x)

      • Vendredi 2 Septembre 2016 à 13:55

        Merci pour ce joli commentaire ! Ça me fait très plaisir de lire ton avis !

        C'est toi qui m'a donné envie d'écrire sur ce sujet avec tous tes textes, je me suis dis que moi aussi, je voulais les soutenir à travers un écrit ^^ du coup, c'est grâce à toi.

        Oui malheureusement, c'est trop présent, trop vif, violent pour ceux qui sont victimes de rejet.

        En tout cas, je comprends ce que tu veux dire ;)

        Ne t'en fais pas, je trouves que ton commentaire est déjà très expressif, et puis, je connais les problèmes de l'absence d'internet !

        Merci encore !!

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